En raison de l’épais brouillard de la guerre qui règne, il nous est difficile de tirer des enseignements valables, aussi avons-nous choisi de couvrir un large panorama de commentaires.
Dire que l’histoire s’est emballée est un faible euphémisme. Pour le continent européen, après plusieurs décennies d’une situation globalement pacifique (hormis les Balkans), les dangers existentiels sont de retour, indubitablement accélérés, intensifiés, favorisés par les technologies de l’information et la circulation des données et de l’information.
Pour la Suisse, pays-neutre-mais-néanmoins-européen-donc-partie-du-bloc-occidental, la situation est devenue inconfortable. Comment, en particulier désormais aussi dans le cyberespace, respecter nos obligations d’Etat neutre, un statut défini par la communauté internationale en 1907 après qu’il nous ait été imposé en 1815 par les puissances belligérantes européennes, soucieuses d’avoir désormais un tampon neutralisé entre elles?
Certains affirment que la Suisse a abandonné sa neutralité? NON, elle applique le droit international et sa loi de 2002 sur les sanctions internationales. Et NON, la Suisse n’est pas un “passager clandestin” de l’OTAN. Avec sa neutralité armée – certes perfectible – elle a toujours fait sa part au centre du continent. Ce qualificatif “clandestin” est injuste à l’adresse de tous ceux qui ont servi et servent au sein de notre armée ou au profit de la paix dans le monde.
Avec les décisions du 28 février d’associer la Suisse aux sanctions européennes et du 11 mars d’interdire le survol de notre territoire par les parties en conflits ou d’autres États soutenant militairement l’un des parties, les choses sont plus complexes que jamais. Voici une crise inédite pouvant dégénérer à tout moment et où le cyberespace joue un rôle dans des proportions jamais vues et que certains ont jusqu’ici refusé de voir.
Pour la Russie et ses alliés, les décisions du Conseil fédéral nous mettent dans le camp adverse, celui qu’il faudra viser. Pour les autres, la décision sur l’espace aérien fait de nous des cyniques qui se désolidarisent de l’aide qui doit être, par tous les moyens, apportée à l’Ukraine, pays martyr sous le feu d’un dictateur incarnant désormais le mal absolu. Alors la Suisse est-elle l’ennemi de quelqu’un et une cible plus probable qu’avant? CH=enemy? Si le rapportde l’Approvisionnement économique du pays du 9 mars montre une situation pour l’instant stable, il estime également que nos infrastructures vitales pourraient être visée par des mesures de rétorsion.
Les scénarii évoqués dans notre précédent billet conservent donc non seulement leur validité, mais les coups pourraient aussi venir d’ailleurs d’un autre camp que celui de la Russie et s’intensifier. L’ancien monde où les cyberrisques relevaient de la seule criminalité ciblant un pays riche et naïf et où le cyberterrorisme était au mieux une théorie a vécu.
Avec la guerre en Ukraine, il existe de plus, comme dans le cas du COVID, un risque élevé d’effet tunnel qui masque la croissance de l’autoritarisme et du populisme dans le monde (voir le rapport de Freedom House), la volonté de la Chine d’imposer à Taiwan le même sort que celui que subit l’Ukraine ou encore les immenses défis environnementaux, énergétiques et démographiques.
Les possibles développements de la situation exposés dans notre précédent billet – actions directes et indirectes contre les infrastructures vitales, contre les chaînes d’approvisionnement et donc les ressources essentielles et contre l’ordre social et politique / démocratique – risquent de toujours plus se matérialiser. Agissons.
Des mesures à court terme doivent être prises. Nous les avons mentionnées dans nos précédents billets. Les thèmes clés de confiance, résilience et souveraineté réclament en revanche une action du temps long et dans la profondeur.
Ainsi, comme annoncé lors du Forum Venoge, nous développons deux mesures phares dont le détail sera très bientôt rendu public et qui poursuivront les objectifs suivants:
- offrir aux décideurs des domaines publics et privés un suivi de situation basé sur notre veille stratégique et notre analyse systémique,
- offrir au grand public une “formation de rue” aux défis de la mutation digitale.
La Suisse dispose pour cela d’un avantage incomparable: la milice. Nous devons utiliser cette carte maîtresse et, comme proposé dans nos précédents billets, revisiter et rajeunir le concept de défense générale, car c’est par la base que la Suisse deviendra solide et vertueuse face à ces défis.
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Nous vous souhaitons une enrichissante découverte des articles et liens sélectionnés et nous réjouissons de vous retrouver dans 15 jours.