Chers Lectrices et Lecteurs,
Nous avons le plaisir de vous adresser notre 102ème dV-News (11-2024) et leur sélection d’articles et liens.
«Mind the gap between the train and the platform» est une phrase bien connue des familiers du métro londonien. «Mind your co-pilot» est la mise en garde que tous devraient désormais maîtriser par rapport à notre infrastructure IT. Un avertissement né d’un incident vécu. Certains diront « on le savait» alors que d’autres se moqueront. Après on est toujours plus intelligent, c’est bien connu. Expérimenter personnellement un tel incident prend cependant une tout autre dimension. Croyez-nous !
Le 29 mai dernier, de retour d’un rendez-vous, une équipe de digiVolution fut dépassée sur l’autoroute par un automobiliste disons… indélicat. Dans notre véhicule, la réaction du conducteur (romand) fut une série de qualificatifs fleuris dont l’élégance n’était pas le souci premier. Notre voiture dit alors «que puis-je faire pour vous?». La réponse à fusé «toi, je ne t’ai rien demandé». Et la voiture de répondre, «très bien, je me tais».
Après un fou rire généralisé, nous avons pris la mesure de l’incident et sommes passés rapidement en mode «pas content du tout». Bien sûr que nous savions, notamment grâce aux travaux de la fondation Mozilla, que la voiture n’est plus un lieu privé. Mais tout de même. Les geeks nous diront «il suffit de désactiver la fonction». Admettons, après de fastidieuses recherches (car la solution n’est pas en page 1 du manuel), que l’on trouve l’option magique… quelle garantie a-t-on que le petit bouton va vraiment désactiver la fonction? Aucune! Souvenons-vous de la tempête Irma en Floride, lorsque Tesla a pu à distance augmenter l’autonomie des voitures pour que leurs propriétaires puissent fuir plus loin. Louable de la part de Tesla, MAIS…! Cela signifiait pour la plupart qu’à leur insu il y avait quelqu’un sur le siège passager. Nos véhicules ne sont désormais plus que des ordinateurs roulants. Et cela a des conséquences.
Avec son service recall qui prendrait une image de notre écran chaque 5 secondes et permettrait ainsi à ceux qui se seraient égarés dans leurs activités de reconstituer leur parcours durant les 3 mois précédents, Microsoft a été contrainte au rétropédalage par une levée de boucliers. Le système n’est alors plus activé par défaut. Mais encore une fois, quelle garantie a l’utilisateur que le service est bel et bien inopérant? Un autre de ces œufs de Pâques ou fonctions cachées qui ne servent à rien. Sinon à créer des vulnérabilités supplémentaires?
À l’évidence, l’espace privé se réduit de manière dramatique. En tant qu’utilisateurs, nous sommes des spectateurs impuissants. Les plus documentés, malins ou paranoïaques tenteront de prendre des mesures de protection, mais du fait de l’ubiquité des TIC, qu’elle est leur réelle chance de garder le contrôle sur leur données? Londres: 80 caméras au km2. Et chez nous?
«Move fast and break things» disait en 2014 Mark Zuckerberg. Les géants de la tech nous ont complètement largués. Certes, ils nous offrent des services fascinants, mais à quel prix? Celui de notre liberté.
Alors reposons la question 100 fois adressée dans nos billets: voulons-nous nous donner les moyens de maîtriser nos données? Si oui, il va falloir une décision à haut niveau et des moyens. L’enjeu en vaut-il la chandelle? Est-ce rattrapable? Ce sont les premières réponses à apporter en tant que société.
Et si mon IA estime que je suis en train d’écrire ou de consulter des choses qui pourraient être de nature pénale, va-t-elle me dénoncer? Et si j’écris des billets critiques à son égard, va-t-elle refuser de me servir ou dire à ma voiture de m’envoyer dans un arbre? Souvenons-nous de «2001: odyssée de l’espace».
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BOOKS & REPORTS
Voici la liste des livres et publications d’intérêt décou-verts lors de nos recherches durant les dernières semaines. Vous les retrouverez sur dVPedia à la rubrique dVLibrary.
ACTUALITES
► Stalking – Ce délit sera enfin inscrit au code pénal. Le stalking, c’est cette pratique de harcèlement obsessionnel qui a poussé Morane à s’enlever la vie. Merci au Parlement d’avoir enfin pris cette décision… sauf qu’il aura fallu attendre 17 ans pour y arriver, la première motion datant de 2007. Et malgré les évidences, certains parlementaires estiment encore qu’il s’agit d’un phénomène négligeable? Deux évidences supplémentaires que la démocratie est dépassée par la mutation numérique. Ou coupablement paresseuse? Alors, comment protéger nos enfants? La France s’essaie à une approche avec un rapport intitulé «Enfants et écrans: À la recherche du Temps perdu». Ce texte oscille entre interdiction totale des écrans et nécessité de mieux former au numérique et suscite des réactions contrastées. Le remède portera-t-il ses fruits?
► Peur de la tech? – Ce sentiment nous accompagnera encore longtemps. Savoir si l’IA est un bienfait pour l’humanité ou son dernier requiem agitera encore longtemps les discussions de salons. Mais écoutons aussi les professionnels du secteur. Faisons abstraction des Musk, Altman ou Zuckerberg qui le font à des fins de tactique politique et de motifs financiers et écoutons ceux qui développent ces technologies. Eux aussi ont des craintes légitimes, mais leur problème est de ne pas pouvoir librement les exprimer sans risquer de perdre leur emploi. Qui pour les écouter alors que les États ne cessent de démontrer qu’ils ne disposent pas des compétences requises pour comprendre les enjeux et que manifestement il est hasardeux de laisser l’industrie faire ce qu’elle veut? Notre sécurité, notre espace privé semble être le dernier des soucis de ces gens et chez Open AI, Altman a récemment congédié son team de sécurité pour le remplacer par un autre qu’il conduit personnellement. Le conflit d’intérêts est choquant. Osons alors une solution qu’un état neutre comme la Suisse peut proposer: devenir le High Tech Ombudsman du monde, un endroit où tout lanceur d’alerte sera écouté, compris et protégé. Aussi une manière pour gagner des talents?
► Mémoire de l’humanité – Voici un thème que nous avons abordé plusieurs fois et qu’un nouvel article vient éclairer sous un autre jour: en Chine, Internet est en train de disparaître. Un CD-Rom, en plastique, est vivant. Après quelques années il se dégrade, comme les fibres optiques dont la durée de vie est également beaucoup plus courte que ce qui est écrit sur l’emballage. Tout Internet et les TIC sont soumis aux aléas du temps. Alors que domine toujours l’illusion qu’Internet fera pénétrer la démocratie partout et imposera un modèle de développement durable, un nombre croissant d’évidences montre que la situation est moins poétique et qu’il y règne les mêmes règles que partout ailleurs, physiques, politiques, ou encore économiques. Nous recommandons vivement cet article sur l’Internet chinois qui devrait inspirer d’utiles réflexions quant à la pérennité du savoir et de la culture au travers des âges.
Voilà pour cette 102ème édition. Nous espérons qu’elle vous a, une fois encore, inspiré et vous souhaitons aussi une enrichissante découverte des articles et liens sélectionnés.
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